L'amende de 186 000 € réclamée à Patrick Brun, gérant du restaurant Le Phénix, par le groupement d'intérêt
économique (GIE) de Grand Var - le centre commercial dans lequel est installé
son restaurant - soulève les relations complexes entre les commerçants et ces
centres. Un GIE est une structure intermédiaire entre la société et l'association.
Les commerçants, par adhésion, en sont membres.
La grande majorité des centres commerciaux sont gérés par un GIE qui
régie les obligations des commerçants installés dans les galeries commerciales.
Dans le cas de Patrick Brun, le GIE de Grand Var lui reproche de ne pas avoir
ouvert son établissement le 14 juillet dernier.
Une obligation d'adhérer contestable
"L'intérêt du GIE est d'organiser l'activité commerciale au sein de la
galerie pour attirer la clientèle", explique maître Ouahab Bourekhoum, avocat au
barreau de Toulon (Var), en charge du dossier de Patrick Brun. "La difficulté première pour tous les locataires est qu'en signant leur
bail commercial, ils ont l'obligation d'adhérer au GIE. Pourtant, par
jurisprudence, cette clause est nulle car le locataire a un droit à la liberté
de consentir ou non à une adhésion."
Dans les faits, il n'est pas si simple de contester cette adhésion ou de
quitter le groupement. "Pour ne pas se mettre en difficulté avec le
bailleur, personne n'ose attaquer cette clause. De plus, les décisions sont
prises par vote à l'unanimité en assemblée générale. Or, si un commerçant
quitte le GIE car il estime qu'il n'y a pas d'intérêt, sa cotisation sera
répercutée sur les membres restants, difficile donc d'obtenir un vote", constate
l'avocat.
Une participation aux décisions relative
Les décisions sont prises par vote en assemblée générale : travaux,
opérations commerciales, ouvertures exceptionnelles, etc. "En pratique,
chaque commerçant devrait pouvoir influer sur l'organisation du GIE. Mais les
voix sont proportionnelles à la surface du commerce. Les grandes enseignes ont un
tel pouvoir que la capacité pour s'opposer est très limitée. Ainsi, si le
supermarché décide d'ouvrir un jour férié, les commerçants se verront imposer
la décision."
Obtenir les statuts du GIE pour connaître les règles
Le fonctionnement du GIE est définit par des statuts et un règlement. "Le
commerçant devrait avoir une copie de ces documents pour connaître ses
obligations mais il est bien souvent difficile de les obtenir." Si le bail mentionne
généralement que le commerce doit être ouvert aux heures habituelles du centre
commercial, les statuts du GIE définissent eux les modalités concernant les
jours fériés et ouvertures exceptionnelles. De fait, pour mesurer les risques
encourus, il faut avoir connaissance des règles, des sanctions prévues et leurs
modalités. "Le bail et le règlement du GIE sont deux choses bien distinctes. Le
bailleur n'a pas à intervenir dans le GIE, tout comme le GIE ne doit pas
pouvoir menacer ses membres de mettre fin à leur bail. Mais en pratique les
deux rôles sont souvent mélangés."
"S'installer dans un centre commercial, c'est perdre une grande partie
de sa liberté, concède maître Ouahab Bourekhoum. C'est un inconvénient dont les
commerçants ont connaissance en s'installant et qui est compensé par l'afflux
de clientèle." Après neuf ans à Grand Var, Patrick Brun dresse le constat : "Quand
je me suis installé, les contraintes étaient correctes. On paye un loyer
exorbitant pour avoir une certaine liberté, et aujourd'hui, on n'a plus la contrepartie."
Depuis 2013, le restaurateur a demandé à sortir du GIE, réclame les statuts
et le règlement au groupement, sans réponse à ce jour.
Publié par Marie TABACCHI