La société Daloda exploite une brasserie à Paris. Madame Céline a été engagée par contrat écrit à durée indéterminée en octobre 2003 en qualité de serveuse pour un salaire mensuel brut de 1 600 € pour 35 heures de travail par semaine. En juin 2008, compte tenu de son ancienneté et de son efficacité au sein de la brasserie, madame Céline s'est vu confier plus de responsabilités et a été chargée notamment de la gestion du personnel de salle. Madame Céline a été augmentée en conséquence pour un salaire mensuel brut de 2 000 € pour 39 heures de travail par semaine.
À partir de janvier 2010, les relations de travail entre la société Daloda et madame Céline ont commencé à se détériorer, cette dernière refusant à plusieurs reprises de se conformer aux ordres de sa hiérarchie. En mars 2011, la société Daloda a notifié à madame Céline son licenciement pour cause réelle et sérieuse, au motif que la salariée avait fait preuve à plusieurs reprises d'insubordination. La société Daloda lui a remis les documents de fin de contrat ainsi que son solde de tout compte.
La salariée revendique le statut de cadre devant les prud'hommes
Madame Céline a immédiatement saisi le conseil de prud'hommes de Paris au motif que son licenciement serait sans cause réelle et sérieuse, niant avoir fait preuve d'insubordination. Celle-ci revendiquait également devant la juridiction que, compte tenu de ses fonctions effectives, elle n'était pas serveuse mais en réalité directrice de salle et aurait du relever du statut de cadre. En réponse, la brasserie Daloda produisait plusieurs attestations ainsi que des courriers témoignant du refus de madame Céline de se conformer aux ordres de sa hiérarchie.
Au regard des éléments fournis par les parties, le conseil de prud'hommes a considéré que le licenciement de madame Céline était bien justifié par une cause réelle et sérieuse puisque l'insubordination était effectivement établie par les documents produits par l'employeur. Le conseil de prud'hommes a également refusé de lui reconnaître le statut de cadre.
Les éléments constitutifs du statut de cadre
Conformément à l'article L.1222-6 du code du travail, le contrat de travail d'un salarié peut être modifié d'un commun accord entre ce dernier et l'employeur. Un salarié peut donc se voir confier des responsabilités supplémentaires au cours de l'exécution de son contrat.
Si un avenant au contrat matérialisant cette modification n'est pas établi (ce qui est en principe obligatoire), la modification du contrat de travail pourra être prouvée par tout moyen (fiches de paie, tâches effectives du salarié, attestations...). Pour cela, l'employeur devra s'assurer que la rémunération et le statut du salarié sont bien en adéquation avec la classification du salarié, déterminée selon les 4 critères cumulatifs classant définis par la convention collective HCR du 30 avril 1997 :
- la compétence du salarié qui s'apprécie au regard de son expérience ou de sa formation ;
- le contenu de l'activité qui caractérise la nature et le degré de difficulté des tâches confiées au salarié ;
- l'autonomie qui caractérise le degré de liberté dont dispose le salarié dans la réalisation de son travail ;
- la responsabilité qui s'apprécie au regard de la situation hiérarchique du salarié dans l'entreprise.
En fonction de ces critères et en cas d'évolution des fonctions du salarié, il est donc possible qu'il puisse relever du statut de cadre. À titre d'exemple, dans l'affaire de madame Céline, le conseil de prud'hommes a refusé de lui reconnaître le statut de cadre au motif que, quand bien même elle s'était vu confier certaines responsabilités d'encadrement, la salariée ne remplissait pas les autres critères de classification du statut cadre, notamment en raison de l'absence de diplôme et du manque d'autonomie réelle de sa fonction.
Les conséquences du statut de cadre pour l'employeur
Lorsqu'un salarié se voit reconnaître le statut de cadre, l'employeur devra modifier l'ensemble du système de cotisations (retraite, mutuelle) du salarié. Le statut de cadre ouvre également droit à un certain nombre d'avantages pour le salarié en matière de rupture du contrat de travail (préavis de 3 mois si le salarié a plus de deux ans d'ancienneté par exemple).
Attention, l'employeur qui refuse de reconnaître le statut de cadre à un salarié qui exerce de facto des fonctions de cadre manque à ses obligations. Ce manquement peut justifier la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur (Cass. Ch. soc. 6 janvier 2010. N° 08-43683) et entraîner de lourdes condamnations financières.
Publié par Juliette Pappo (avocate au barreau de Paris)