Une lavandière, un apothicaire, un bouquiniste… Ces vitrines d’un autre temps, situées dans le centre historique de Romans-sur-Isère (Drôme), cachent en réalité des chambres d’hôtes décorées dans l’esprit des boutiques du début du XXe siècle (à partir de 70 € la nuit). Avec son projet Bed in Shop, François-Xavier Chambost enclenche un cercle vertueux : “En transformant des boutiques vacantes en hébergements insolites, on revitalise le centre historique. On propose à la vente des produits d’épicerie locaux dans les chambres mais pas de petit déjeuner, afin que les clients aillent dans les commerces du quartier. On a aussi noué des partenariats pour que des jeunes deviennent guides touristiques ou participent à des ateliers de menuiserie pour ‘upcycler’ le mobilier utilisé chez Bed in Shop.”
La marque, qui compte aujourd’hui sept hébergements, se félicite d’un “écosystème rentable” et prévoit d’essaimer en licence de marque dans des villes comme Tournon, Le Puy-en-Velay, Montélimar… “Ce concept est inspirant, car il mêle hébergement insolite et hospitalité disséminée, dans le même esprit que l’albergo diffuso en Italie. La rentabilité est possible, à condition d’avoir une proximité entre ces différents lieux pour le housekeeping”, observe Youri Sawerschel, fondateur de Creative Supply, agence de conseil en stratégie de marque.
Transformer un village en hôtel
Né en Italie, le concept d’albergo diffuso (hôtel disséminé) consiste à installer des chambres dans des maisons restaurées, au cœur de villages anciens. Cette démarche, qui a permis de redonner vie à des dizaines de villages désertés dans la péninsule, a inspiré Corippo, le plus petit village de Suisse. “En 2021, il n’y avait plus que sept habitants dans ce village classé. Une fondation créée par le canton a mis 4 millions de francs suisses [4,2 M€, NDLR] pour le chantier de rénovation, et nous a choisis, ma femme et moi, pour gérer Corippo Albergo Diffuso. Aujourd’hui, sept maisons font partie de l’hôtel, on a dix chambres [à partir de 200 € la nuit], un espace accueil, café et restaurant bistronomique, et les ruelles servent de couloir”, raconte Jeremy Gehring. Ouvert toute l’année, l’établissement “fait vivre des agriculteurs, des boulangers, des artisans…” et attire des gens de la vallée dans son restaurant.
Revisiter la petite hôtellerie
Retour en France, où Gogaille a lancé une marque d’hôtellerie éclatée à Limoges, Tours et Orléans. À Orléans, par exemple, la marque compte quatre adresses : rue Fernand Rabier (11 chambres), rue du commandant Arago (15 chambres), rue des 7 Dormants (7 chambres), et rue du Cloître Saint-Pierre Empont (12 chambres). “Nous réhabilitions plusieurs bâtiments dans le centre-ville, afin de recréer un hôtel de 50 chambres, explique le cofondateur Hugues van Heesewijk. Les avantages sont un coût d’achat et de rénovation plus accessible, un temps de rénovation plus rapide, une démultiplication de la marque et de l’offre - donc de la visibilité pour les clients dans un cœur de ville -, une gestion opérationnelle à taille humaine, la possibilité d’agrandir notre parc plus facilement, et moins de personnel. Le parcours client se fait de manière digitalisée et en autonomie : machines à café et thé, frigos et paniers de fruits à disposition.” Dans chaque ville, non loin des immeubles d’hébergement, Gogaille implante aussi un restaurant géré par des partenaires exclusifs. Seul bémol à cette hôtellerie dispersée ? “Plusieurs bâtiments à gérer versus un bâtiment où tout est centralisé”, glisse-t-il. Ce qui n’empêche nullement l’hôtelier de voir grand, en prévoyant de s’implanter dans “plus de 70 préfectures et sous-préfectures (…) surtout là où l’hôtellerie a été délaissée par les grands groupes.”
Publié par Violaine BRISSART